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Prédisposition génétique à la tuberculose : Mieux comprendre pour élaborer de nouvelles stratégies

Doctinews N° 43 Avril 2012

Parmi les facteurs qui expliquent la grande variabilité individuelle de réponse à l’infection à la tuberculose, le rôle des facteurs génétiques de l’hôte est l’objet de nombreuses études d’association. Des publications récentes confirment l’hypothèse d’une interaction hôte/germe pathogène.

Ahmed-Aziz-Bousfiha Aziz Bousfiha

5 à 10 % seulement des sujets infectés développent la tuberculose et deviennent contagieux.

Dans son plan mondial « Halte à la tuberculose » 2011-2015, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à 9 millions le nombre annuel de nouveaux cas de tuberculose et à 2 millions le nombre de décès. L’organisation considère par ailleurs qu’un tiers de la population mondiale est infectée par le Mycobacterium tuberculosis, mais que 5 à 10 % seulement des sujets infectés développent la tuberculose et deviennent contagieux.
Pour parvenir à éradiquer la tuberculose, considérée comme un problème de santé publique, les chercheurs ont mis au point des traitements et des vaccins, et en développent de nouveaux. Actuellement, indique l’OMS, « les essais sur les nouveaux médicaments ont nettement progressé. Deux médicaments reconvertis font l’objet d’essais de phase III, analysant l’innocuité et l’efficacité d’un schéma thérapeutique plus court (4 mois) pour la tuberculose sensible aux médicaments. Il existe également six composés qui font l’objet d’essais de phase II, dont deux nouveaux médicaments proposés pour le traitement de la tuberculose multi-résistante. Neuf nouveaux vaccins antituberculeux sont au stade des essais cliniques dont cinq vaccins candidats faisant l’objet d’essais de phase I et quatre l’objet d’essais de phase II. Parmi ces derniers, deux vaccins candidats font l’objet d’essais de phase IIb de validation de principe ».

Etude des facteurs prédisposants
En parallèle, les chercheurs orientent leurs recherches pour parvenir à expliquer pourquoi seules 5 à 10 % des personnes infectées développent la maladie. À ce stade, l’étude de facteurs prédisposants prend tout son sens.
La prévalence du Sida dans certaines régions du monde et les souches de Mycobacterium tuberculosis impliquées sont à considérer dans l’expression de la maladie. Les conditions socio-économiques ont par ailleurs souvent été mises en évidence. Les chiffres 2005 issus de la Direction de la planification et des ressources financières, par exemple, montrent d’importantes disparités de l’incidence de la tuberculose en fonction des préfectures de résidence. Sur 100 000 habitants, 88 nouveaux cas ont été recensés cette année-là dans la préfecture d’Anfa, contre 399 dans la préfecture de Ben M’Sick Sidi Othmane. Les données diffusées par l’OMS révèlent que 85 % des cas mondiaux de tuberculose sont concentrés entre l’Asie (55 % dont 35 % en Chine et en Inde) et l’Afrique (30 %) et l’Afrique subsaharienne (30 %). « L’histoire a prouvé qu’une amélioration des conditions sociales et économiques contribue grandement à faciliter la lutte contre la tuberculose, alors que les crises économiques, au contraire, peuvent rapidement causer une dégradation de la situation », commente encore l’OMS. Cependant, ces facteurs n’expliquent pas tout car, à exposition comparable, la réponse à M. tuberculosis varie selon l’individu. La recherche fondamentale s’oriente depuis plusieurs années vers l’identification des caractéristiques moléculaires principales des interactions hôte/germe pathogène. En 1930, déjà, des études conduites sur des jumeaux ont permis d’évoquer une susceptibilité génétique à la tuberculose.

Une susceptibilité génétique mendélienne
Beaucoup plus récemment, en 2006, une mise au point sur la prédisposition génétique à la tuberculose publiée par A.A. Bousfiha (1), F. Ailal (1), J. Baghdadi (2), J. Najib (1), A. Abid (1) L. Abel (3)et JL Casanova (3) concluait qu’« il existe probablement un spectre continu de prédisposition génétique à la tuberculose, allant d’un contrôle monogénique simple (TB grave de l’enfant) à une hérédité polygénique complexe (TB pulmonaire de l’adulte) en passant par des effets intermédiaires de gène majeur. Le syndrome de susceptibilité mendélienne à la tuberculose (SMT) se trouverait alors situé entre les deux types de prédisposition. En effet, des auteurs ont aussi évoqué l’existence d’un gène (de gènes) impliqué dans les différents niveaux de prédisposition, avec des mutations rares responsables d’une prédisposition monogénique pour les formes graves de tuberculose de l’enfant, et des polymorphismes plus fréquents ayant un effet plus modéré sur le risque de tuberculose de l’adulte. Aujourd’hui, ceci est dépassé. Les gènes actuellement impliqués sont ceux de l’axe IL12-IFN?, notamment celui de la chaîne ß du recepteur de l’IL12 (IL12Rß1).
Sur ce terrain génétique prédisposé, les conditions sociales et le niveau de l’épidémie dans la région détermineraient le nombre de cas de tuberculose maladie et le nombre de formes graves et mortelles. Ces études génétiques ont aussi apporté une solution thérapeutique, en plus des anti-bacillaires, pour les tuberculoses qui surviendraient chez des patients présentant des déficits touchant l’axe IL12-IFN? : greffe de cellules souches hématopoïétiques dans les exceptionnels cas de déficits complets en récepteurs de l’INF? et, surtout, l’injection sous-cutanée d’IFN? recombinant pour les déficits en récepteurs de l’IL-12 et les défauts partiels de signalisation de la voie IFN?. Une réduction de la mortalité par tuberculose peut ainsi être apportée par ces nouvelles voies thérapeutiques, notamment par l’IFN? recombinant, chez des enfants ayant une tuberculose grave, après tests immunologiques ou génétiques de l’axe IL12-IFN?, si une utilisation répandue est motivée par de larges études… soutenues par l’OMS ».

Un premier gène majeur identifié
Une communication présentée en juin 2010, lors d’une séance consacrée à la « prédisposition et résistance génériques aux maladies infectieuses », par le Dr Laurent Abel et le Pr Jean-Laurent Casanova, publiée dans le bulletin de l’Académie nationale de médecine*, affirme à son tour qu’il existe maintenant de très nombreux arguments montrant que la variabilité individuelle dépend pour une large part de la susceptibilité/résistance génétiquement déterminée de l’hôte infecté. « De très nombreuses études d’association avec de multiples gènes candidats ont été réalisées, mais très peu ont été clairement reproduites ou confirmées, et les résultats les plus convaincants ont été obtenus avec certains allèles HLA de classe II et certains variants du gène NRAMP1 (Natural Resistance-Associated Macrophage Protein 1). Plus récemment, un premier gène majeur de prédisposition à la tuberculose a été identifié dans la région du chromosome 8q12-q13 par analyse de liaison génétique sur l’ensemble du génome. Alors que l’identification précise de ce gène est en cours, l’autre observation fascinante de ces dernières années a été la découverte que la tuberculose pouvait également relever d’une prédisposition mendélienne. Plusieurs enfants porteurs de déficits génétiques dans la voie de l’IL-12/23-IFNg, en particulier ceux avec un défaut complet d’un des récepteurs de l’IL-12, IL12Rß1, ont présenté comme seul phénotype clinique une tuberculose. Au total, l’ensemble de ces études fournit la preuve du concept d’un spectre continu de prédisposition génétique à la tuberculose, allant d’un contrôle monogénique simple à une hérédité polygénique complexe en passant par des effets intermédiaires de gène majeur. L’identification des facteurs génétiques prédisposant à la tuberculose est fondamentale pour comprendre la physiopathologie de cette maladie et permettre ainsi le développement de nouvelles stratégies vaccinales et thérapeutiques ».

(1) Unité d’Immunologie Clinique, Service des Maladies Infectieuses Pédiatriques. CHU Ibn Rochd, Casablanca ;
(2) Hôpital Mohammed V d’Instruction Militaire, Rabat ;
(3) Laboratoire de Génétique Humaine des Maladies Infectieuses. Faculté Necker, INSERM U 550, Paris.

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