Réduction du C-LDL : Quelle place pour les associations thérapeutiques ?
Doctinews N° 49 Novembre 2012
À l’occasion du lancement de leur nouvelle spécialité, Inegy®, les laboratoires MSD ont organisé une manifestation scientifique les 23 et 24 octobre derniers, respectivement à Casablanca et Rabat. Animée par le Dr Michel Farnier, endocrinologue, agrégé de l’Université de Dijon, elle a porté sur le rôle des associations thérapeutiques dans la réduction du LDL cholestérol.

La réduction du LDL cholestérol (C-LDL) est l’élément pivot de la prise en charge du facteur de risque lipidique en termes de prévention cardiovasculaire. « Toutes les études l’ont montré, à chaque fois que le C-LDL est réduit, les risques cardiovasculaires sont diminués. Plus récemment, d’autres études ont prouvé que plus le C-LDL est abaissé, plus le pronostic cardiovasculaire est amélioré », a indiqué le Dr Michel Farnier en préambule de son intervention. Ces études se résument essentiellement par des méta-analyses dont celle du groupe collaboratif des Cholesterol Treatment Trialists (CTT) qui suggère qu’une réduction du C-LDL d’1 mmol/l (soit 0,4 g/l) permet d’obtenir une réduction des événements cardiovasculaires de l’ordre de 20 %. Et quels que soient les études ou les essais, la relation entre l’abaissement du C-LDL et la réduction des événements cardiovasculaires est linéaire.
Des recommandations strictes
Ce constat a conduit de nombreux pays comme le Canada ou les Etats-Unis, et plus récemment l’Europe, à ajuster leurs recommandations pour les rendre plus strictes. Les nouvelles recommandations européennes définissent désormais une catégorie de patients dits « à très haut risque » pour laquelle les objectifs thérapeutiques C-LDL ont été ramenés à 0,7 g/l ou visent une réduction du C-LDL de 50 % lorsque l’objectif de 0,7g/l ne peut pas être atteint.
Pour y parvenir, les lignes directrices préconisent la prescription d’une statine en première intention. Mais une enquête récente réalisée en Europe (et au Canada) montre qu’environ la moitié des patients sous statine à dose stable n’atteint pas l’objectif des anciennes recommandations < 1,0 g/l. La question qui se pose s’oriente alors vers le choix de la stratégie thérapeutique à mettre en place. « Il est possible d’augmenter la dose de statine, mais le maximum de l’efficacité est obtenu avec la dose initiale. Un doublement de la dose permet d’obtenir un abaissement complémentaire estimé jusque là à 6 %. En réalité, il se situe aux alentours de 4 à 5 % ce qui permet rarement, en pratique clinique, d’atteindre l’objectif », a indiqué le Dr Michel Farnier. Une autre alternative consiste à prescrire une statine plus puissante mais, au long cours, les fortes doses de statines sont rarement utilisées. « Elles sont préconisées face à un syndrome coronaire aigu, par exemple, mais rarement maintenues au long cours. La plus grande base de données américaine sur les effets secondaires liés aux statines montre que les statines les plus puissantes augmentent le risque d’effets indésirables musculaires et tendineux », a expliqué le spécialiste en endocrinologie.
En conséquence, face à des patients peu ou mauvais répondeurs aux statines, le traitement en association s’est imposé comme la meilleure alternative. Trois options d’association sont admises, mais en pratique courante, l’association d’une résine ou de l’acide nicotinique à une statine pose souvent des problèmes de tolérance.
Un concept nouveau
« Je suis impliqué depuis des dizaines d’années dans le développement des nouvelles molécules qui se sont succédé dans le domaine de la lipidologie et, après les statines, l’ézétimibe, en association avec une statine, est vraiment la molécule qui a apporté un réel bénéfice thérapeutique. Au regard de tous les résultats que nous avons obtenus avec d’autres molécules de cette classe thérapeutique, je pense d’ailleurs qu’elle restera longtemps la seule sur le marché », a affirmé avec conviction le Dr Michel Farnier.
Pour bien comprendre le bénéfice thérapeutique de cet inhibiteur de l’absorption intestinale du cholestérol, il est important de connaître les facteurs intrinsèques qui interviennent dans la variabilité de réponse des individus aux statines. Certains (patients) sont d’excellents répondeurs et obtiennent une réduction significative du C-LDL alors que d’autres le sont moins. « Si nous ne connaissons sûrement pas encore tous ces facteurs intrinsèques, nous savons que la capacité de chaque individu à synthétiser du cholestérol (essentiellement au niveau du foie) et à le réabsorber au niveau de l’intestin diffère », a précisé l’endocrinologue. Un mécanisme de régulation se met en place au niveau de l’organisme. Plus la synthèse est inhibée avec des fortes doses de statine et plus l’absorption intestinale augmente. Plusieurs protéines sont impliquées dans ce mécanisme : la NPCIL1 qui permet au cholestérol de pénétrer dans la cellule intestinale et l’ABCG5/G8 qui lui offre une porte de sortie. « Nous avons obtenu la preuve de ce mécanisme l’année dernière à travers une étude publiée au Canada qui portait sur des volontaires sains ayant reçu un traitement par atorvastatine 40 mg. Durant ce traitement, ont été observées une augmentation de l’expression de l’ARNm de NPCL1 et une diminution de l’ARNm de ABCG5/G8 », a-t-il souligné. L’association de l’ézétimibe à une statine trouve donc là toute son indication puisqu’elle agit directement sur la protéine NPCIL1 et bloque l’absorption intestinale.
De réels bénéfices thérapeutiques
« Dans une étude baptisée In-Cross à laquelle j’ai participé, nous avons randomisé uniquement des patients à haut risque cardiovasculaire peu répondeurs aux statines pour évaluer l’efficacité de l’association fixe ézétimibe 10 mg/simvastatine 20 mg en comparaison à la rosuvastatine 10 mg. Nous avons obtenu une baisse complémentaire du C-LDL de l’ordre de 28 % chez les patients qui ont reçu Inegy® (association ézétimibe/simvastatine) », a illustré le Dr Michel Farnier. Les mêmes résultats ont été obtenus dans l’étude Easego qui a retenu des patients à haut risque cardiovasculaires et/ou diabétiques. L’évaluation portait sur l’association ézétimibe 10 mg/simvastatine 20 mg en comparaison à l’atorvastatine 20 mg et à la simvastatine 40 mg.
« Dans la pratique, face à un patient hypercholestérolémique, la statine est et reste le traitement de première intention. Mais lorsque les objectifs ne sont pas atteints, l’association ézétimibe/simvastatine s’impose comme le choix logique pour abaisser le C-LDL de manière significative. Elle est très bien tolérée et présente un très bon profil de sécurité d’emploi », a-t-il conclu.
Interview, Dr Michel Farnier
Inegy®, la seule association fixe ézétimibe 10 mg/simvastatine 20 mg, est un traitement nouveau au Maroc. Selon vous, quelle place pourrait-il prendre dans ce pays par rapport aux autres traitements dans la prise en charge de l’hypercholestérolémie et des dyslipidémies ?
Les recommandations sont très strictes en termes d’objectifs à atteindre dans la réduction du C-LDL, particulièrement chez les patients à très haut risque. Dans cette catégorie de patients figurent notamment les personnes diabétiques et celles atteintes d’insuffisance rénale chronique qui sont malheureusement nombreuses au Maroc. Nous savons que chez ces patients, ces LDL ont la particularité d’être petites et denses et donc très athérogènes, raison pour laquelle l’objectif à atteindre doit être inférieur à 0,7 g/l. Lorsque le traitement par statine à dose initiale en monothérapie ne permet pas d’atteindre ces objectifs, l’association ézétimibe/simvastatine trouve ici toute sa justification. Une analyse affinée des résultats obtenus dans l’étude In-Cross montre d’ailleurs que les patients diabétiques de type 2 obtiennent de meilleurs résultats sur la réduction du C-LDL avec Inegy® que les patients non diabétiques. Des travaux complémentaires nous aideront à expliquer pourquoi. L’association ézétimibe/simvastatine a déjà trouvé sa place en France, mais je pense que la percée devrait être encore plus nette au Maroc d’autant qu’elle n’a aucun effet délétère sur l’insulinorésistance par rapport aux fortes doses de statines.
Que sait-on exactement de l’influence des statines sur l’équilibre glycémique ?
Même si nous n’en comprenons pas encore parfaitement le mécanisme, nous savons que les statines à forte dose sont susceptibles d’influer sur l’équilibre glycémique. La FDA a d’ailleurs récemment ajouté cette information dans les précautions d’emploi des statines. Cet effet délétère peut conduire à l’apparition de nouveaux cas de diabète, ce qui semble surtout être le cas de patients ayant le profil du syndrome métabolique.
Des études ont-elles montré l’efficacité d’Inegy sur la morbi-mortalité ?
L’étude de prévention cardiovasculaire SHARP, spécifique avec Inegy®, qui a concerné des patients en insuffisance rénale chronique, a montré un bénéfice significatif clinique de l’association ézétimible/simvastatine vis-à-vis de l’évolution des événements arthérosclérosiques majeurs comparativement à un placebo.
Nous attendons une étude complémentaire dont les résultats pourraient être communiqués en 2014. Il s’agit de l’étude internationale Improve-It, qui porte sur 18 000 patients atteints d’un syndrome coronarien aigu, et qui compare l’effet de l’association ézétimibe/simvastatine versus simvastatine sur la réduction des événements cardiovasculaires.